vendredi 26 novembre 2010

ACTA selon le Parlement européen : la Cigale ou la Fourmi?

Le Parlement Européen n’est pas à une contradiction près : il vient encore de le démontrer dans le dossier sensible de l’Accord Commercial Anti-contrefaçon (ACTA ou ACAC), ce futur traité anti-contrefaçon qui liera un jour l'Union européenne, les Etats-Unis, le Canada, le Japon, etc., et qui déchaîne les passions depuis près de trois ans.

Le Parlement a par 331 voix contre 294, sans critique aucune, acté la dernière version de l’ACTA, donnant à la Commission Européenne le feu vert pour ratifier le texte. 

Dans cette résolution votée mercredi 24 novembre, il s’est en effet félicité de l’amélioration de la transparence des négociations et des réponses apportées sur le respect des droits fondamentaux, de la protection des données et de la vie privée, éléments essentiel du débat, sans pour autant en préciser la teneur. 

Cette décision va pourtant à l’encontre d’une déclaration de septembre 2010 du même Parlement défavorable tant sur le contenu que sur l’adoption de cet accord, qui étaient loin d'être cadrés et finalisés (cf notre billet du 10/09/2010 : ACTA, dernier round ?). Etonnant n’est-il pas ? 

Dans le même temps, une autre résolution, plus étoffée et dans la droite ligne de la déclaration de septembre, a été rejetée : critique mais constructive, elle demandait une reprise des négociations et un élargissement des participants tant étatiques que de la société civile.

Elle s’émouvait longuement des zones d’ombre d'un texte préparé trop rapidement, notamment sur son application possible aux échanges non-commerciaux, mais encore sur la coopération des Fournisseurs d'Accès d’Internet (les FAI) et la possible atteinte aux droits fondamentaux des consommateurs sur internet et dans la vie réelle. Un autre point inquiétant est que ce texte, officiellement, doit protéger les fabricants contre la copie, dans un sens très large, d'où une réelle interrogation sur l'extension possible d'un tel accord, validé trop vite, au-delà du seul droit d'auteur, à savoir à la propriété intellectuelle en général (ex: les médicaments génériques), ce qui n'est pas sa mission initiale et le rend donc inadapté à cette extension possible.

La résolution rejetée rappelait aussi le déficit de participation publique et de contrôle démocratique dans la genèse ou la modification ultérieure de cet accord, négocié dans la plus grande discrétion, insistant une nouvelle fois sur l’absence d'instances internationales telles que l’OMPI ou l’OMC. 

Les Eurodéputés ont fait fi de ces commentaires qui étaient pourtant soutenus par bon nombre d’associations, d’acteurs du net mais aussi d'universitaires américains qui avaient fait part de leur remarque dans une lettre au Président Obama le 29 Octobre dernier. Sans état d'âme, les députés ont estimé lapidairement que, même s'il "ne résoudra pas le problème complexe et multi-dimensionnel de la contrefaçon" (sic!), l’ACTA constitue « un pas dans la bonne direction ». La « bonne direction », laquelle et pour qui?

Tant de flou, d'incertitudes parsèment encore ce texte, au vu des cultures et règlementations à concilier, que le Parlement semble se diriger vers un compromis mou et mal cadré, qui n'aura guère d'effet pratique.

Reste encore cependant l'étape finale de la ratification. Peut-être, à l'inverse de cette résolution validée sans nuances, y a t-il encore une infime possibilité de donner plus de temps au temps, lorsque la balance des intérêts le commande.

Quant à la "direction" prise pour l'instant, il ne semble pas que ce soit celle de la raison, du bon sens et de l'équilibre.

Qu'en pensez-vous?

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