mercredi 24 novembre 2010

La Saint Nicolas : une simple marque?


Les marques « saint Nicolas », « Le marché de saint Nicolas », « la fête de saint Nicolas » et "les fêtes de saint Nicolas" ont été déposées et enregistrées en France par la ville de Nancy et de Saint Nicolas de Port (SNP) dans un nombre très important de produits et services…

Les deux villes entendent ainsi se réserver un monopole sur l'exploitation d'un nom qui n'est autre que celui d'une fête ancestrale dans de nombreux pays et régions, et dans bon nombre de villages, marchés, boutiques de l'Est de la France.



Ici, douze classes ont été déposées sous ces marques et pas des moindres! Parmi les nombreux produits cités, il y a notamment les pâtisseries et confiserie, épices, biscuiterie, gâteaux, etc…

En pratique qu’est-ce que cela peut changer ?


L’adjoint à la culture de la ville de Nancy, Laurent Hénart, donne un exemple concret «Les boulangers pourront fabriquer des pains d’épice mais ils ne pourront pas s’appeler Le pain d’épice de Saint-Nicolas sans notre accord»…

Cette décision choquante des deux déposants n’a pas manqué de susciter un tollé en Alsace, où, notamment l’Agence de développement touristique du Haut-Rhin envisage de contester cette décision en justice.

Quelles sont les chances de voir ces marques annulées ?

Dans le cas d'une jurisprudence Halloween, la Cour de cassation avait annulé la marque portant de nom de la célèbre fête des morts déposée par une société française en retenant que le caractère frauduleux du dépôt qui « avait pour but d’empêcher les professionnels d’utiliser le nom de la fête liée au commerce de la confiserie. », ce qui était flagrant vu que la société en cause (société de conseil) n’avait aucune activité en rapport avec cette fête.

Ici, il est vrai, en revanche, que Nancy a une relation particulière avec Saint Nicolas, puisqu’il s’agit du saint patron de la Lorraine depuis la bataille de Nancy au XVème siècle. Il y a justement, derrière ce dépôt, une volonté louable de défendre une sorte de charte de qualité, d'écarter les utilisations trop mercantiles d'une fête renommée et de contrôler les produits ou services sans rapports aucun avec le cadre de cette fête mais qui pourraient, à cette époque de l'année, exploiter le filon.

Soit.

Mais la marque était-elle bien le terrain propice à la "défense" de valeurs traditionnelles? NON. En principe, l'objet d'une marque n'est pas de garantir une qualité (en tout cas a priori), mais d'abord de garantir une origine : son titulaire.

Or, la saint Nicolas est une fête populaire, séculaire et mondiale, et non propre à Nancy ou SDP en France. Dans certains pays, dans certaines régions, et notamment le Nord et l'Est de la France, cette tradition est même aussi importante que Noël, Saint-Nicolas étant le saint patron de toute la Lorraine, et non de Nancy seulement !

Si vous avez vécu un peu en Alsace, vous avez certainement vu l’engouement créé par des distributions de Männele (bonhomme en pain d’épices) à l’effigie de saint Nicolas auprès des enfants.

De même, les apparitions déguisées de Saint-Nicolas et du Père Fouettard dans divers lieux symboliques en Alsace (ex: les amphithéâtres de l’Université de Strasbourg) créent tous les ans depuis des générations une joie générale auprès des citoyens.

La Saint-Nicolas fait donc partie d’un patrimoine culturel et historique international qui ne devrait pas être appropriable.

Comment s'opposer à ce dépôt ?

Deux motifs peuvent être envisagés:

- l'adoption de cette marque ne risque t-elle pas de constituer un trouble à l'ordre public, ce qui constitue un motif de rejet? (Article L711-3 b du Code de la Propriété Intellectuelle, ou "CPI"). Cela mérite réflexion.

- Plus vraisemblablement, on considérera que le dépôt peut être qualifié de frauduleux, comme dans l'affaire Halloween, puisque, même avec des intentions louables, la marque aboutit à priver toutes les régions qui fêtent la Saint-Nicolas de l'utilisation commerciale du nom, sauf à passer un accord de licence avec les titulaires. La fraude relève de l'article L.711-3-c du CPI qui énonce qu'une marque ne peut être adoptée si elle est "de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service". Ce qui semble bien être le cas ici.

Facteur révélateur : pour justifier leur objectif de protection d'une tradition et mieux exclure les marchands du temple, les deux villes ont d'ailleurs elles-même visé, dans leur marque, entre autres, les surprenants produits suivant : couches culottes, papiers hygiénique et chaussures de ski (sic!)…qui, à n'en point douter, méritaient d’être protégés sous le nom de Saint Nicolas…C'est finalement un détournement du droit des marques!

Alors, finalement, vous, comment aideriez-vous Nancy et la région à empêcher que les marchands de Noël vendent des couches-culottes "spéciale" Saint-Nicolas?...

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