En France, les entreprises ont l’obligation légale de verser une rétribution complémentaire à un salarié ayant réalisé une invention dans le cadre de son travail "inventif". Or, selon une enquête de l’Observatoire de la Propriété Intellectuelle (OPI), plus d’un tiers des entreprises françaises ne gratifient pas leurs inventeurs salariés et si elles le font, les primes ne sont en général guère élevées.
Il n’existe pas actuellement de règle claire sur la rémunération effective due au titre des inventions salariées: la loi, qui affirme toutefois le principe du caractère obligatoire d'une rémunération complémentaire, renvoie de cependant à des conventions collectives et des accords d’entreprises, souvent inexistants ou muets, flous, incomplets voire irréguliers, d’après l’OPI. Les seuls éléments d'appréciation proviennent de la jurisprudence en la matière, qui procède au cas par cas.
Pour mettre fin à cet imparfait dispositif, les sénateurs ont déposé, le 4 juin 2010, une proposition de loi visant à réformer le droit des inventions salariées en réécrivant l’article L 611-7 du Code de la Propriété intellectuelle.
Le système actuel impose au salarié de déclarer sans délai toute invention à son employeur en lui précisant son objet et la "catégorie" dans laquelle il estime qu'elle se classe. Cette obligation de déclaration resterait la norme mais le système de classification et de rémunération serait modifié.
Les catégories actuelles, au nombre de 3, sont les suivantes :
- "l’invention de mission" faite dans l’exécution d’un contrat de travail comportant une mission inventive ou d’études : elle appartient à l’employeur qui est tenu de verser au salarié une rémunération supplémentaire;
- "l'invention hors mission attribuable", faite dans le domaine d'activité de l’entreprise ou par la connaissance, les moyens ou les données procurées par elle : elle appartient au départ au salarié mais l’employeur peut faire valoir une sorte de droit de préemption et en revendiquer prioritairement la propriété, moyennant le paiement d’un "juste prix"(le juste prix est en principe supérieur à la simple "rémunération supplémentaire");
- "l’invention hors mission non attribuable", dépourvue de tout lien avec l’entreprise : elle appartient au salarié qui peut en faire ce qu’il veut.
La proposition de loi met fin à cette classification peu claire, source de différends et de contentieux, en distinguant simplement entre:
- "l’invention de service" qui, globalement, fusionne les catégories "invention de mission" et "invention hors mission attribuable". Réalisée par le salarié dans le cadre de l’entreprise, l'invention de service appartiendrait à l’employeur.
- toute autre invention serait une "invention hors service" qui appartiendrait au salarié.
Les inventions de service seraient seules concernées par un nouveau mode de rémunération à deux niveaux :
- une prime forfaitaire versée lors de la déclaration de l’invention et
- une rémunération supplémentaire versée en cas d’exploitation de l’invention si elle a procuré des "avantages substantiels" à l’entreprise.
Serait ainsi privilégiée une évaluation de l’invention concertée entre le salarié et l’entreprise avec un réajustement de la rétribution en fonction de l’exploitation, objectif prioritaire du projet de réforme. Le salarié serait alors davantage associé au succès de son invention, une solution déjà pratiquée par quelques trop rares sociétés et qui mérite d’être généralisée.
Autre proposition, les entreprises comme les salariés pourront être aidés par les experts de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) pour fixer cette rémunération, l'INPI se fait ainsi médiateur, tiers éclairé et éclairant, qui sera un soutien non négligeable dans la fixation de la rémunération et la prévention des abus.
Tout litige à ce sujet continuerait néanmoins d’être soumis à la Commission Nationale des Inventions salariées (CNIS), et aux tribunaux, une saisine souvent synonyme de licenciement du salarié mais qui reste son dernier espoir de profiter dignement de son invention.
Si cette initiative sénatoriale permet de simplifier les questions de classification et de rémunération des inventions salariées, en donnant la priorité à l'exploitation effective par l'employeur dans le respect de la rétribution du salarié, elle ne les clarifie pas complètement. Comment en effet définir les "avantages substantiels" de l’invention pour l’entreprise ? Dans quelles conditions le salarié sera t-il tenu informé du bilan de l’entreprise sur l’exploitation de son invention ?
Elle a toutefois le mérite de mettre en lumière un régime parfois peu lisible et de proposer des solutions intéressant l’inventeur à l’exploitation de son invention: prime à la déclaration par le salarié, et prime à l'exploitation par l'employeur. Reste à préciser ses dispositions et aux acteurs sociaux à se saisir de ce sujet crucial tant pour l’entreprise, le salarié que pour l’innovation et le mettre au coeur de la négociation des conventions collectives et accords d’entreprise en conformité avec ces futures dispositions.
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